Le très sérieux et respecté média Forbes a fait parler de lui lorsqu’il a mis en place un nouveau modèle économique visant à atténuer les effets de la « crise du journalisme » qui touchait son magazine – et bien d’autres titres de presse papier.
Ce nouveau business model tant décrié, à commencer par les journalistes eux-mêmes, c’est le « Native Advertising ». En d’autres termes, la version web du média alloue un espace à une marque contre rémunération pour que celle-ci publie un contenu (de marque) dont elle est à l’origine. Détail qui a son importance, ce contenu bénéficie de la même mise en page que les articles de journalistes, avec la mention « Brandvoice » dans le cas de Forbes.com.
Du côté des journalistes, ce nouveau modèle économique fait grincer des dents. Eux qui déplorent déjà « la course au clic » exigée par la version web du média appréhendent un nivellement de l’information par le bas avec ces contenus de marques noyés dans l’actu.
Sans compter qu’avec ce modèle, le conflit d’intérêt entre l’info et la promo sera encore plus évident. Comment sera-t-il possible d’évoquer une marque en toute impartialité si cette dernière a son propre espace d’expression sur ce média ?
Pour Lewis D’Vorkin, à la tête du site web de Forbes depuis 2 ans, cette évolution est nécessaire. Mieux, elle est profitable, puisque la société a fait son meilleur chiffre depuis 5 ans, et 50% des revenus proviennent du digital. Et pour cause, le « Native Advertising » est un carton, des marques comme Microsoft, Cartier ou Dell étant même prêtes à débourser jusqu’à 75 000 $ par mois pour écrire dans la rubrique « Brandvoice » de Forbes.
Et s’il est vrai que la version online est d’une qualité inférieure au magazine, le magazine papier Forbes reste une référence en la matière.
Si la forme de cette nouvelle technique publicitaire fait débat, il ne fait aucun doute que son utilisation n’a pas fini de faire parler d’elle. Comment les marques vont-elles s’approprier cet espace d’expression ? La rédaction du site web aura-t-elle suffisamment de poids pour imposer sa ligne éditoriale à la marque ? Les « bonnes pratiques » s’installeront progressivement.
Reste que la marque n’est pas l’ennemi de l’information, bien au contraire. Une marque, ce sont des experts habilités à s’exprimer dans leur domaine, au nom de leur employeur ou non. Ces experts là s’expriment déjà depuis bien longtemps dans les colonnes des magazines, journaux et sites web que vous consultez ; créer un espace de marque dans ces médias paraît alors comme une évolution logique.
N’envisageons même pas le scénario catastrophe « les journalistes et l’information vont disparaître au profit des marques et de l’infomercial ». De plus en plus aguerris aux pratiques du web, les lecteurs sauront distinguer les contenus provenant de marque et les infos à valeur ajoutée. L’enjeu pour les médias web tiendra principalement dans la hiérarchie de l’information ; sur le web plus que partout ailleurs, le lecteur se fabrique une opinion rapide et tranchée du contenu qu’il consulte.
Il vous faut encore une preuve que le journalisme de qualité a de beaux jours devant lui ? Des données récoltées sur la plateforme de crowdfunding KissKissBankBank montre que des journalistes ont de beaux projets dans des domaines variés… et que des particuliers sont prêts à investir pour les voir naître !
Cette technique marketing fait des émules, et après Forbes, c’est au mythique Washington Post de proposer à ses annonceurs partenaires de s’exprimer sur son site web avec la mention « BrandConnect ».
Dans le registre du divertissement, c’est Buzzfeed.com qui met à profit le « Native Advertising » avec brio et propose à ses partenaires commerciaux une véritable expérience utilisateur plus qu’un espace d’expression, comme en ce moment avec Starbucks.
En France, Lagardère Publicité a annoncé vouloir appliquer ce format publicitaire au site web people Public.fr, avec la mention « Sponsorisé par ». Dans la même veine, le site de divertissement Minutebuzz.com propose déjà un espace dédié aux marques, comme actuellement avec Coca-Cola.
Entre information et infomercial, le statut du « Native Advertising » devra faire ses preuves auprès des éditeurs web, des annonceurs, et des internautes. Ce nouveau modèle publicitaire promet son lot de « bad buzz » et de « cas d’écoles », mais il ne fait pas grand doute qu’il fera partie intégrante de notre quotidien dans un avenir proche.
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