Ce n’est un secret pour personne : les médias traditionnels souffrent.Audience en baisse et vieillissante, recettes publicitaires en berne… la chute semble inexorable. En face d’eux, des géants du web, Facebook en tête, qui raflent la mise avec des moyens colossaux.
Comme les grands groupes industriels, les médias ont pris conscience que le monde autour d’eux change à vitesse grand V: big data, analyse sémantique, mobilité, réalité augmenté, IoT, e-learning… autant de révolutions intégrées par les nouveaux entrants mais à mille lieux des modèles développés par les médias traditionnels.
Dans ce contexte, innover n’est pas juste le nouveau mot à la mode, c’est une question de survie. Las de se laisser manger tout cru, certains, sans doute un peu plus vaillants que les autres, ont choisi de prendre leur destin en main et de partir en croisade. Un long et périlleux voyage vers des contrées lointaines peuplées de jeunes entrepreneurs et de développeurs en baskets.
Il y a ceux qui ont recruté ou challengé des ressources en interne pour développer de nouveaux projets. D’autres, comme Prisma, choisissent de racheter des start-up détentrices de solutions en ligne avec les ambitions du groupe et de les faire grandir au sein du groupe.
Et puis, depuis 4 ans, on assiste à un phénomène qui se répand comme une traînée de poudre : le lancement, par les médias eux-mêmes, d’incubateurs de start-up. La BBC a lancé le mouvement en 2012, suivie de près par Le New-York Times et son TimeSpace en 2013. En France aussi, le mouvement est en marche : L’Express Ventures, Canal + avec Canal Start, le groupe Amaury, et, plus récemment, le groupe Ouest France avec OFF7.
Alors, les incubateurs média, levier de croissance ou effet de mode? La question méritait d’être posée. Ca tombe bien, le Web2Day, le festival du numérique de Nantes, l’a fait. L’occasion pour nous de faire le point sur les principales attentes et objectifs des médias qui se lancent dans cette nouvelle aventure.
Le business modèle médiatique traditionnel repose aujourd’hui sur 3 piliers : la publicité, les contenus et les annonces. Ce modèle a tenu pendant des années, mais aujourd’hui, la table est bancale. Pour survivre, les médias doivent donc se consolider avec l’ajout d’un 4e pilier. En combinant leurs expertises et savoir-faire, les deux acteurs inventent les médias de demain. Ce travail en étroite collaboration avec les start-up incubées permet au média de tester, de manière agile, de nouveaux usages et de nouveaux business modèles.
Comme l’explique Fabrice Bazard, directeur du développement des activités numériques du groupe Sipa (Ouest-France) » Les médias restent un carrefour d’audience très important et nous croyons beaucoup en notre capacité à développer une nouvelle proposition de valeur dans notre business modèle, notamment autour des services. Mais ça, nous ne ferons pas tous seuls« .
Les médias traditionnels reposent majoritairement sur une population de journalistes de presse, qui, pour la plupart d’entre eux, n’ont jamais baigné dans les sphères de l’entrepreneuriat ou de l’innovation.
Mettre leurs collaborateurs au contact d’entrepreneurs audacieux et visionnaires permet aux médias d’apporter un véritable souffle d’air frais et une vision souvent disruptive des problématiques rencontrées.
Mais tout n’est pas rose pour autant. Car c’est toute une culture qu’il faut faire évoluer. Des freins existent (rythme de travail, peur du changement…) et doivent être levés rapidement pour garantir une collaboration fructueuse entre les collaborateurs historiques du média et ceux des start-up incubées.
Pour fonctionner, l’échange doit être gagnant-gagnant. Au delà d’un appui logistique et de conseil, les médias peuvent ainsi mettre à la disposition des jeunes entreprises de la visibilité dans le média (media for equity), mais aussi (et surtout), la possibilité de tester un concept à grande échelle. Car les médias ne doivent pas perdre de vue que le rôle premier d’un incubateur est d’accompagner les start-up dans une phase critique de leur développement et leur donner les moyens de voler de leurs propres ailes une fois la phase d’incubation terminée. Le risque est grand, en effet, de se contenter de “canibaliser” la technologie développée par la start-up pour son propre compte et de la déplumer avant la fin du partenariat.
Sur le papier, le développement rapide des incubateurs média est une bonne chose pour l’industrie de l’information. Malgré les critiques qui ne manquent pas de poindre, ce phénomène a au moins le mérite de démontrer que les médias traditionnels résistent face aux puissants concurrents du web. Qu’on se le dise : ils ne sont pas encore morts et pourraient même nous réserver de belles surprises, pour peu qu’ils sachent capter les tendances et réagir vite.
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