Être bon lorsque l’on est interviewé par un journaliste, convaincant face à une caméra, séduisant sur un plateau de télévision… Aucun doute, c’est un métier. L’ennemi n°1, c’est le trac, mais l’autre ennemi, celui auquel on pense moins spontanément, c’est le manque de préparation. La solution pour être au top de sa forme lorsque l’on échange avec un journaliste : c’est le mediatraining !
Comment et pourquoi doit-on préparer une interview ? C’est ce que nous explique Henry De Romans, notre expert en formation mediatraining chez Oxygen dans ce 3e épisode de Let’s com, le podcast de l’agence Oxygen.
Retranscription du podcast
Être bon lorsqu’on est interviewé par un journaliste, convaincant face à une caméra, séduisant sur un plateau de télévision, aucun doute, c’est un métier. L’ennemi numéro un, bien sûr, c’est le track.
Mais l’autre ennemi, celui auquel on pense moins spontanément, c’est le manque de préparation. La solution pour être au top de sa forme lorsqu’on échange avec un journaliste, c’est le médiatraining. Les hommes et les femmes politiques sont déshabitués et de plus en plus de porte-parole en font.
Comment et pourquoi doit-on préparer ses interviews ? C’est ce que nous explique Henry de Romans, notre expert en médiatraining chez Oxygen.
Anne : Bonjour Heny.
Henry : Bonjour Anne.
Anne : Première question toute simple, est-ce que tu peux nous dire ce qu’est le médiatraining ?
Henry : Le médiatraining, c’est un atelier de formation qui a deux objectifs. Le premier, c’est d’aider les porte-parole d’entreprises et d’organisations à répondre de façon efficace aux questions des journalistes. Et le deuxième, c’est à bien faire passer leur message tout en respectant le besoin des journalistes qui est d’informer leur public.
C’est quelque chose qui est fréquent, qui est courant. Nombre de chefs d’entreprises ou de politiques sont médiatrainés, voire sont médiatrainés très régulièrement. C’est notamment le cas de nos hommes politiques alors que nous sommes en campagne électorale pour la présidentielle 2022.
Je prends peut-être pour exemple Marlène Schiappa qui fin octobre dernier répondait aux questions de Philippe Vandel sur Europe 1 et expliquait qu’elle avait appris en médiatraining que chaque interview devait répondre à un objectif de communication et que globalement on venait en interview avec un message principal à aborder pendant cet exercice.
Anne : Bel exemple que celui de Marlène Schiappa et justement on va l’écouter.
Extrait audio :
Journaliste : En compagnie de Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur chargé de la citoyenneté, vous expliquez que vous avez appris justement à prendre la parole en interview et que la règle c’est une interview, un message. S’il y a trop de messages dites-vous c’est brouillé, on comprend pas. Donc quel était le message que vous vouliez faire passer en venant ici dans ce studio ?
Marlène Schiappa : Oser l’engagement tout simplement.
Journaliste : Alors vous dites j’apprends à faire fi des questions et à passer mon message. Vous n’avez pas de considérations pour les journalistes en face de vous ?
Marlène Schiappa : Désolée, non j’ai énormément de considérations.
Journaliste : Soyez franches. Alors je vais vous dire ce que vous dites, vous dites écoutez c’est le fameux vous êtes venu avec vos questions et moi je suis venu avec mes réponses et vous dites faut pas écouter les questions, on répond ce qu’on a envie de répondre.
Marlène Schiappa : C’est pas qu’il faut pas écouter les questions c’est que parfois on vient par exemple dans une matinale et on vient pour annoncer quelque chose, pour parler de notre action et on m’interroge pas là-dessus et on va me poser des questions pour que je fasse des commentaires. Et moi je veux pas venir faire des commentaires de l’actualité.
Anne : Alors comment être sûr de bien faire passer les messages qu’on a préparés en amont de l’interview ?
Henry : La préparation c’est finalement la partie la plus importante de l’interview et c’est quelque chose qu’un porte-parole ne maîtrise pas naturellement.
Sans préparation il est difficile de savoir précisément ce qu’on va dire et si on ne sait pas précisément ce qu’on va dire on va mal le dire ou on va courir le risque d’être mal compris. Donc finalement la préparation et notamment la préparation du message principal, du message ombrel qu’on va vouloir délivrer lors d’une interview c’est absolument crucial. Pour autant un message ça n’est pas suffisant, ça n’est notamment pas assez concret pour un journaliste ou pour l’un de ses auditeurs.
Il faut préparer le message qu’on aimerait voir retenu par son audience, donc par le journaliste ou les personnes qui vont le lire ou l’écouter. Il va ensuite falloir illustrer ceci avec des éléments de preuve, avec des éléments de contexte, avec des faits, avec des chiffres, avec des exemples et pour être impactant il faut tenir compte des moments où la concentration de son interlocuteur sera au maximum et on estime que la concentration elle est généralement optimale au tout début d’un entretien, d’une discussion et à nouveau à son pic au moment où la discussion touche à son but, puisqu’il faut essayer de se souvenir de ce qu’on vient de se dire.
La lisibilité c’est une des règles d’or du journalisme et un porte-parole doit impérativement rendre un discours qui est parfois jargonneux ou très expert, même si facile pour lui, audible et compréhensible par sa cible.
Anne : Chez Oxygen, on avait réalisé une étude en 2020, je crois, qui justement pointait le manque de préparation des speakers, des porte-paroles et les attentes des journalistes et l’espèce d’écart entre la préparation et ses attentes. C’est un peu ce que tu es en train de nous dire en filigrane.
Henry : Oui, alors, ce qui est étonnant, c’est que d’après l’étude Oxygène menée au mois de décembre 2020, le nombre de porte-paroles médiatraînés, médiatraînés régulièrement, est assez faible et pour autant ces porte-paroles ont généralement la sensation, le sentiment d’être efficace et d’être bon face aux journalistes et de ne pas avoir besoin de médiatraining.
Quand on interroge les journalistes, c’est évidemment un tout petit peu différent puisque d’après l’étude Oxygène qui a été menée, c’est près de 66% des interviews qui sont décevantes pour un journaliste, c’est-à-dire qu’ils n’obtiennent que des réponses stéréotypées, voire pas d’informations utilisables pour informer leurs auditeurs.
Anne : Il y a la préparation des messages, des contenus, mais il y a aussi la préparation physique, mentale.
Henry : Il y a la préparation du message en tant que tel et nous on s’appuie sur un outil qui s’appelle la maison des messages dans lequel on va avoir un message principal, trois messages secondaires et chaque message secondaire sera étayé, illustré par un des fameux éléments de preuve dont je parlais tout à l’heure.
Une fois qu’on a préparé le fond, il faut se préparer sur la forme, notamment se préparer à affronter le stress et ça c’est quelque chose qui doit se gérer. La manifestation du stress est physique et elle se gère dans les quinze minutes avant une interview. Le rythme cardiaque a tendance à s’accélérer, la respiration se fait plus courte, la respiration se faisant plus courte, le cerveau est moins bien irrigué, notamment en oxygène et on a plus de difficultés à trouver ses mots.
Donc il est absolument crucial de bien penser à faire des exercices de respiration, je pense notamment à la cohérence cardiaque ou à des exercices que les sophrologues enseignent à leurs patients qui permettent de ralentir le rythme cardiaque, d’agir directement sur lui. Une fois que ce rythme cardiaque a ralenti, il devient important d’éviter le quart d’heure de chauffe, c’est-à-dire d’être trop calme et ça c’est encore quelque chose qui se pratique physiquement. La préparation physique de l’interview c’est quelque chose qu’il faut vraiment prendre en compte.
Quand on pense que l’interview c’est finalement un match, eh bien il faut être prêt, prêt sur le plan émotionnel, prêt sur le plan intellectuel et prêt sur le plan physique.
Anne : Alors on entend toujours dire que les politiques maîtrisent parfaitement les techniques d’interview, sont capables de répéter les messages, ils ont l’art de la petite phrase. Est-ce qu’effectivement il y a des techniques pour arriver à placer la petite phrase que les médias vont reprendre en boucle et dont tout le monde va parler ?
Henry : Il y a des techniques mais ces techniques ne sont rien sans la préparation.
Cette préparation c’est des heures pour parvenir à identifier le message le plus percutant, le plus lisible, le mieux ciselé au mot près. Une fois que cette prise de parole est préparée, oui il existe des techniques. La première, tu l’as dit, c’est la reformulation et faire passer un message de manière spécifique et le répéter en le reformulant, donc le dire d’une autre façon, c’est finalement passer son message deux fois.
C’est aider à l’ancrer. Évidemment il existe des techniques qui permettent d’indiquer à un auditeur par exemple qu’on va faire passer un message clé et on voit beaucoup de politiques préparer ce qu’on appelle des plantées de drapeau. Le plantée de drapeau, ce sont ces fameux mots, ce qu’il me paraît important de souligner, c’est… et ensuite on fait passer un message où j’aimerais insister sur un point précis.
On marque une petite pause théâtrale pour donner du relief à son message, on fait passer son message, on marque une petite pause et ensuite on l’illustre. Et ça, ça permet vraiment de le mettre en valeur et d’indiquer à la personne avec laquelle on s’entretient ou à ses auditeurs que ce qu’on dit, que ce qu’on va dire va être important. Il y a ce qu’on appelle le block and bridge.
Alors ça c’est une technique qu’on entend énormément de la part de nos politiques. On a eu beaucoup de politiques qui utilisaient des formules telles que c’est une excellente question, permettez-moi avant d’y répondre de préciser ceci ou pour moi la question ça n’est pas ça, pour moi la question ce serait plutôt ça. J’ai le sentiment qu’avec le temps, les block and bridge ont tendance à se raccourcir.
Si je reprends l’exemple de Marlène Schiappa dans son interview avec Philippe Vandel, elle utilise énormément un mot tout simple qui est « d’abord ». En fait c’est plutôt deux mots tout simples « d’abord » qui vont lui permettre, avant de répondre à la question ou de ne pas y répondre d’ailleurs, de préciser le contexte et les éléments de réponse qu’elle a préparé.
Anne : Et on écoute encore Marlène Schiappa.
Extrait audio :
Marlène Schiappa : D’abord, comme je suis attachée à la liberté de la presse, chacun fait ce qu’il veut.
Henry : Et puis enfin on a beaucoup de porte-parole qui pratiquent ce qu’on appelle l’auto-questionnement, qui se posent eux-mêmes les questions qu’ils aimeraient que le journaliste leur pose.
Marlène Schiappa : Comment je le sais ? Je le sais parce que c’est. Pourquoi je réagis à cela ? Parce que c’est une. Ça veut dire quoi ?
Anne : Waouh, édifiant. Alors est-ce que c’est parce qu’on réussit ses interviews qu’on est fréquemment ressolicité ou réinvité ?
Henry : Oui, c’est exactement ça Anne. Un porte-parole, ce qu’il doit avoir en tête lorsqu’il répond à un journaliste, c’est de devenir un bon client, une ressource utile pour le journaliste.
On a coutume de dire à nos clients que les journalistes se lisent ou s’écoutent les uns les autres. Un porte-parole qui répondra aux besoins du journaliste tout en maîtrisant évidemment ses messages pour ne pas nuire à l’image de son entreprise. S’il devient un bon client, un porte-parole sera réinterrogé par le journaliste, probablement identifié par certains de ses confrères et multipliera ses opportunités de prise de parole dans les médias.
Donc il multipliera à la fois sa visibilité et celle de son organisation.
Anne : Est-ce que pour parvenir à ça, il faut être beaucoup médiatraîné ?
Henry : On a beaucoup de porte-parole qui pensent qu’un médiatraining suffit pour être bon. Alors moi j’ai envie de leur dire qu’un journaliste mène en moyenne une interview par jour.
Pour être bon, il faut pratiquer. Il faut pratiquer bien sûr face aux journalistes, mais il faut aussi pratiquer à blanc, c’est-à-dire sans enjeu, lors d’exercices pratiques, afin de se mettre dans toutes les situations compliquées. Et quand je pense aux situations compliquées, je pense évidemment aux sujets de crise et aux questions qu’on peut nous poser sur des sujets sensibles.
Anne : L’objectif étant, dans un contexte de crise ou sensible, de bien maîtriser l’échange, de bien maîtriser effectivement les informations qu’on divulgue, de ne pas se laisser embarquer sur des voies qu’on ne souhaite pas prendre.
Henry : Quand on est en médiatraining, on apprend toujours, on a toujours un exercice sur une situation difficile. Et il y a une façon d’y répondre qui est particulièrement efficace, c’est de s’appliquer le triptyque suivant dans la construction de ces messages, c’est finalement rappeler ce que l’on sait d’un sujet, indiquer ce que l’on en pense et enfin expliquer ce que l’on fait pour résoudre le problème identifié.
Et ça, ça fonctionne évidemment en matière de communication de crise, mais ça fonctionne dans toutes les situations difficiles.
Anne : Merci Henri, merci beaucoup.
Henry : C’est moi Anne, merci beaucoup.
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