Et s’il était temps de (re)penser votre identité de marque ?
Dans ce nouvel épisode de notre podcast “Let’s com”, Alexis Noal, Senior Brand Strategist, au sein de l’agence Oxygen, vous donne les clés pour comprendre pourquoi et comment on travaille sur son identité de marque.
Quel point de départ ? Où sont les pièges ? À quoi ça sert, dans une stratégie de relations médias ?
Et oui, ce jingle, tout le monde le connaît et le reconnaît. Il constitue l’identité sonore de la SNCF, un des composants identitaires de la marque, mais pas le seul, malgré son succès.
L’identité de marque, c’est ce dont nous allons parler aujourd’hui, avec notre expert Alexis Noal. Comment et pourquoi faut-il la construire ? A quoi sert-elle ? Quels sont les pièges à éviter ?
Anne : Bonjour Alexis.
Alexis : Bonjour Anna.
Anne : Alors, première question, qu’est-ce qu’une identité de marque ?
Alexis : L’identité de marque, c’est en fait assez simple. C’est se poser d’abord la question de qui je suis, avant de se poser celle de qu’est-ce que j’ai envie de raconter. C’est réconcilier notre identité de marque, c’est-à-dire ce que la marque veut incarner, avec le discours qu’elle va par la suite tenir pour faire en sorte que ses audiences ressentent ce que la marque a véritablement envie de transmettre.
Anne : Qu’est-ce qui déclenche la réflexion d’une entreprise autour de son identité de marque ?
Alexis : Il y a un temps qui est très naturel, très logique, qui est celui de la création, où on part d’une intuition très souvent. On a des fondateurs qui ont une idée d’un marché, de quelque chose qui va changer la donne ou qui va venir apporter une solution. Et donc là, c’est assez facile, dans le sens où on part de cette intuition pour construire qui on est.
Et comme on part de la personnalité très souvent aussi des fondateurs, je veux dire que ça se fait presque de façon naturelle. Là où ça devient plus compliqué, c’est lorsque l’entreprise évolue. Il y a des moments où on doit se poser cette question, où on devrait se poser cette question de « Est-ce que je ne devrais pas revisiter mon identité ? » L’entreprise doit se poser cette question à des moments qui sont très simples, qui peuvent être lorsqu’il y a une acquisition, lorsque les fondateurs s’en vont, lorsqu’elle décide de se lancer sur un nouveau marché, lorsqu’il y a des concurrents nouveaux aussi qui viennent et qui changent la façon dont la communication autour de ce marché peut se faire.
Anne : Pour un individu, on sait bien sûr ce qu’est son identité. Mais pour une entreprise, une entreprise est-elle brune, blonde, petite, grosse, maigre, sympathique ou pas ?
Alexis : C’est intéressant que tu le poses dans ces termes parce que tout de suite, ce qui semble faire l’identité d’une personne ou d’une entreprise, tu parles de blonde, de brune, de gros, de maigre, on a tendance à faire le lien entre identité et graphisme, look, logo, ce genre de choses. Or, l’identité, c’est beaucoup plus profond.
C’est véritablement d’abord sur des traits de personnalité. Et une entreprise, comme une personne, a des traits de personnalité, incarne, et je parlais tout à l’heure d’émotion, mais elle veut susciter une certaine émotion. Ça peut être la confiance lorsque vous êtes un acteur de la banque ou de la cybersécurité.
Ça peut être le fun lorsque vous vous appelez Red Bull. Mais il y a tout un ensemble d’éléments qu’on a envie de partager, de faire ressentir à nos différents publics. Et c’est vraiment ça qui va constituer cette identité.
Et pour y arriver, c’est sûr qu’on va se concentrer sur des traits de personnalité, essayer de définir quels sont ces traits de personnalité, mais on va surtout travailler sur quel est le ton de voix, quels sont les champs sémantiques dans lesquels on va aller piocher pour exprimer cette identité.
Anne : Quelle est la méthodologie pour construire son identité de marque ?
Alexis : L’idée, c’est d’avoir une méthodologie qui soit la plus saine possible. Pour cela, on va d’abord procéder dans une forme d’introspection.
On va aller interroger les différents publics, qu’ils soient internes ou externes, pour savoir ce que l’entreprise représente à leurs yeux. Et puis, grâce à ça, on va être capable d’identifier les décalages entre la stratégie exprimée ou la façon dont les gens ont envie que l’entreprise soit perçue, et puis ce que les gens ressentent vraiment, perçoivent vraiment. Donc ça, c’est la première phase.
Une fois qu’on a tous ces éléments, on va travailler avec les différentes fonctions à l’intérieur de l’entreprise dans des ateliers de co-construction, pendant lesquels on va se poser la question de quelle est l’identité future de l’entreprise. Qu’est-ce qu’on aimerait projeter ? Comment est-ce qu’on va évoluer ? Quelle est la vision qu’on peut avoir du futur ? Et puis, quelles sont les missions de l’entreprise ? Et qu’est-ce qu’on peut mettre en avant pour faire en sorte qu’au bout du bout, on arrive à déterminer, je parlais tout à l’heure de champs sémantiques, les termes qu’on utilise pour se décrire, pour décrire nos offres, nos produits, nos services.
Tout ça, bien sûr, à terme, et c’est souvent pour ça que la confusion se fait, va aussi être décliné en termes d’iconographie, de chartes graphiques, de colorométrie.
Est-ce qu’on est plutôt une marque chaude, une marque froide, etc. Tout un ensemble d’éléments qui vont être un peu les conséquences de tout ce travail qui est fait en amont. Mais le travail en amont, c’est vraiment établir les bases, les fondations sur lesquelles on va construire tous les outils de communication de l’entreprise.
Anne : Mais ce qui sort, j’imagine, de ce travail, c’est toujours du positif. C’est-à-dire qu’on a toujours des qualités et pas des défauts, puisqu’on veut communiquer, convaincre ses audiences, etc. C’est une identité un peu partielle ?
Alexis : Je ne dirais pas partielle. Je vais prendre l’image de l’appartement témoin. Lorsque vous avez un appartement témoin, il est bien meublé, bien orienté, tout propre, etc. Et lorsque vous allez acheter, vous risquez d’être déçus parce que le vôtre est plein or, qu’il y a de l’humidité, etc.
La marque, c’est la même chose. Si on ne dégage que les éléments positifs, ou en tout cas si on ne reconnaît pas quelles sont nos faiblesses, quels sont les éléments sur lesquels on n’est pas nécessairement les meilleurs, on risque d’être déceptif. Et ce qu’on veut faire, c’est justement éviter de créer de la déception, aussi bien pour l’interne, on connaît tous les travers des marques employeurs, où on booste l’image d’une entreprise et on finit par attirer des talents qui ne restent pas, parce qu’en fait on ne correspond pas à l’image qu’on a voulu véhiculer, que pour l’externe, où un client est séduit par un discours, mais dans les faits, ne s’y retrouve pas dans les produits.
Donc il faut savoir faire preuve d’une certaine humilité dans la façon dont on se définit, parce qu’il y a ce qu’on aimerait représenter, et puis il y a ce que l’on est vraiment. Et le but du jeu, c’est de réconcilier le plus possible ces deux éléments.
Anne : On a évoqué le jingle de la SNCF, as-tu d’autres exemples à nous partager ?
Alexis : C’est très bien d’être identifié facilement, il y a la notoriété, mais il y a aussi l’opinion.
Donc le fait que ce petit jingle soit reconnu, ça participe à de la notoriété, mais si c’est pour l’associer à des trains en retard, un service de basse qualité, etc., ce n’est pas nécessairement très positif. Donc c’est l’image globale de l’entreprise qui est travaillée, pas juste le jingle sonore. Si on prend un exemple, on a toujours des tendances à vouloir faire du B2C, parce que les marques qui s’orientent vers le consommateur travaillent beaucoup sur leur identité, parce qu’on est dans le ressenti direct.
Moi, j’ai plutôt envie de donner l’exemple d’une marque de B2B qui a utilisé les codes justement de cette consommation vers le consommateur pour tout d’un coup exister et véhiculer tout un ensemble de valeurs. Et cette marque, ce serait Intel. On parlait du jingle sonore, tout le monde a en tête le jingle sonore.
On parlait éventuellement d’accroche, de Intel Inside, et cette notion de si vous avez du Intel Inside, on ouvre le champ des possibilités. Ce qui a été fantastique dans le travail qu’a fait Intel, c’est qu’ils sont passés d’un composant, d’une brique, de quelque chose de très vissé boulon que personne ne voit, à quelqu’un qui tout d’un coup est réclamé. Parce qu’ils ont réussi à créer, à attacher toute une notion de valeurs sur la fiabilité, la performance, etc.
Ce qui fait que tout d’un coup, on a en face de nous une marque qui normalement s’adresse à uniquement des constructeurs, à une marque qui a commencé à être presque réclamée par le consommateur ou l’utilisateur en entreprise. Et donc, ce sont les utilisateurs finaux qui sont devenus prescripteurs, qui ont commencé à dire « J’ai envie de ça » grâce à cette identité globale de marque qu’ils ont réussi à construire, en y associant bien sûr des visuels, des gimmicks sonores et autres, mais d’avoir aussi derrière une véritable stratégie d’entreprise avec ce que l’on veut susciter chez nos utilisateurs finaux.
Anne : Quels sont les bénéfices pour une entreprise, quelle qu’elle soit d’ailleurs, quelle que soit sa taille et son secteur, qu’est-ce qu’elle a à gagner à travailler sur son identité de marque et est-ce que c’est presque pour toi un incontournable finalement, dès lors qu’on commence à communiquer quel que soit d’ailleurs le type de com’ qu’on met en place ?
Alexis : Il y a un mot qui résume quel est l’avantage, au-delà des avantages, l’avantage c’est la cohérence.
On est cohérent de bout en bout à partir du moment où on sait qui l’on est et ce que l’on veut créer comme ressenti, comme perception chez nos différents publics. La cohérence ça veut dire qu’on est aligné aussi sur la stratégie réelle de l’entreprise, sur la qualité des produits ou des services. Cette notion de cohérence, elle est au cœur de la vie de l’entreprise et on dépasse de loin le stade juste de la communication.
Pour moi c’est un pré-requis, c’est-à-dire qu’avant toute communication on devrait d’abord se poser la question de qu’est-ce que j’ai, au-delà de qu’est-ce que j’ai envie de raconter, c’est comment est-ce que j’ai envie de le raconter, se poser la question de qui je suis, qu’est-ce que ma marque représente et comment est-ce que je peux assurer cette cohérence de bout en bout de ma chaîne de communication. C’est même ce qui va parfois faire la différence entre une entreprise qui prospère et une entreprise qui périclite. Comment est-ce que je vais réussir à préserver mes talents, à les fidéliser.
C’est le sujet en ce moment, au-delà même de l’attractivité de la marque par rapport à des talents, c’est dire comment est-ce que je fais en sorte que tous ces gens qui sont en train d’essayer de trouver du sens à leur vie n’aient pas juste envie de papillonner de boîte en boîte. Pour ça il faut qu’il y ait une véritable cohérence, qu’ils sentent que ce que l’entreprise véhicule à l’extérieur est vrai à l’intérieur, que cette notion d’entreprise à mission c’est toujours un peu fort, mais que en tout cas, l’objectif que l’entreprise s’est donné à communiquer en interne est le même que celui qu’elle communique en externe, etc. C’est vrai qu’on le voit nous lorsqu’on a des interviews de grands patrons qui mettent en avant des éléments d’attractivité de l’entreprise, d’entreprise où il fait bon vivre.
Si ce n’est pas réel à l’intérieur, ça crée plus de dégâts qu’autre chose. On va attirer des talents, mais qui vont tout de suite être confrontés à la réalité. On a toujours des clients qui viennent nous voir et qui nous posent des questions, qui nous sollicitent pour nous dire j’ai envie d’être dans les médias, je veux absolument faire la une du 20h.
Et quand on commence à rentrer dans les éléments de différenciation, qu’est-ce qui fait qu’un média serait susceptible de s’intéresser à qui ils sont et ce qu’ils font, ils sont souvent en difficulté, parce que cette question primordiale de “qui suis-je ?”, ils ne ne se la sont pas nécessairement posée, ou alors ils sont restés un tout petit peu en mode en autarcie, ils sont restés dans leur coin isolé, en silo, et ils se confrontent rarement au monde extérieur. Ils vont rarement, ne serait-ce que solliciter leur collaborateur pour savoir si le collaborateur pense qu’il est à l’aise avec la façon dont l’entreprise communique. Ils vont rarement voir leur client pour reposer cette question, une fois que le contrat est signé, de savoir que, et d’ailleurs dans vos relations de tous les jours, comment est-ce que vous nous considérez, est-ce que vous nous voyez comme proches, innovants, etc.
Donc oui, pour moi, c’est vraiment gagner en cohérence et un travail qui doit être fait en amont.
Anne : Au-delà des bénéfices, en fait, si tu devais donner quelques conseils rapides à des entreprises qui se posent cette question ou qui ont commencé ce travail, j’ai l’impression que l’un des conseils le plus important, ce serait de dire attention à ne pas décevoir, en fait, c’est un peu ça.
Alexis : C’est exactement ça, c’est éviter le côté déceptif qui très souvent, et surtout en termes de communication, est ce qui va créer l’éloignement avec la marque ou avec l’entreprise.
Si vous avez un produit qui fonctionne correctement, vous avez tendance à ne pas trop vous poser la question de l’entreprise qu’il y a derrière, mais lorsque vous avez un produit qui n’est pas nécessairement totalement abouti, le fait que la marque soit transparente par rapport aux efforts qui sont faits, va peut-être faire que l’utilisateur va y aller en connaissance de cause et donc n’aura pas ce côté déceptif. Même chose pour une entreprise où on dit qu’on est en train de travailler sur plein d’éléments de RSE, d’accompagnement, on n’est pas encore green, mais regardez tous les efforts qu’on fait, ça va peut-être permettre à certains talents qui ont sa cheville au corps de se dire qu’ils ne sont pas encore là mais au moins ils essayent d’y travailler, plutôt que d’avoir des gens qui sont tout le temps en train de dire au effort qu’ils font des choses qui dans les faits ne sont pas réelles. Donc oui, c’est vraiment cette notion de “évitons la déception en interne, en externe et soyons vrais, soyons cohérents de bouton”.
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