L’Asie, ses pays sous-développés ou en développement, où la pauvreté est présente à outrance et les minorités deviennent majorités. Quand on évoque l’Inde, le Népal, la Birmanie on pense tout de suite à l’extrême misère qui y existe et l’aide que l’on pourrait apporter sous forme de dons, de bénévolat, de soutien aux ONG.
L’équipe HandiCap sur le Monde qui parcourt actuellement la planète dans le cadre de son projet handicap et bonnes pratiques a voulu vérifier la situation sur place et y a découvert un moyen plus « qualitatif » pour soutenir le développement d’un pays : l’entreprenariat social.
Ce mot, qui sonne très business, est un constat fait dans plusieurs pays asiatiques et bien assez généralisé pour parler de tendance.
Si l’on évoque l’entrepreneuriat social (ou social business) en France ou aux USA, le terme se rapproche de cette idée : développer une initiative/un projet dont la plus grande partie des bénéfices sert une cause sociale. Autrement dit, ne plus seulement penser à ce que peut rapporter une entreprise de manière économique, mais se préoccuper de son impact sur la société. Largement inspiré du prix Nobel de la paix Mohamed Yunus qui a créé le micro-crédit, ce nouveau business model est une opportunité pour beaucoup de pays.
Dans un continent comme l’Asie où beaucoup de pays sont définis comme « en développement », l’objectif est double : créer des entreprises qui impliquent dès le départ ces finalités, et qui peuvent apporter un soutien aux populations dans le besoin.
Et l’aide internationale alors ?
Autant l’aide solidaire est un soutien bien souvent extérieur et à court terme (prenons les catastrophes naturelles, les constructions d’écoles et apport de matériel manquants par exemple) l’idée de l’entreprenariat social se base lui sur le long-terme, l’apport de compétences et l’autofinancement. La charité étrangère est une aide importante mais les pays asiatiques en besoin ont décidé de se débrouiller seuls du mieux qu’ils peuvent.
Le principe : la création d’une entreprise ou d’un organisme à but non lucratif par une personne locale, qui vient en aide à une minorité pour la sortir de la pauvreté et de l’exclusion, sociale le plus souvent. Le moyen de financement : par ses propres moyens, de manière créative et innovante.
Ces néo-entrepreneurs se lancent pour développer et améliorer la société mise à mal en trouvant eux-mêmes des financements en innovant et en se basant sur leur meilleur atout : la connaissance de leur propre pays.
Bien sûr, au-delà de l’idée innovante, des soutiens sont nécessaires pour apporter les compétences indispensables pour gérer une entreprise ou un organisme, des fonds pour démarrer et assurer un suivi au business plan. Mais encore une fois, ce sont des apports qui seront ensuite développés de manière durable et des fonds qui seront pour la plupart remboursés.
3 exemples d’entreprenariat social dans le handicap en Asie:
L’inde : Blind People Association développe des ateliers de création de fauteuils roulants
Blind People Association, association principale de l’état du Gujarat en Inde, est un organisme qui au départ souhaitait développer l’inclusion des personnes déficientes visuelles dans la société indienne et est aujourd’hui ouverte à tous types de handicap (mental, sensoriel, physique).
Au-delà des dons locaux et internationaux récoltés depuis plusieurs années, Blind People a innové en faisant d’une pierre deux coups : améliorer son aide aux personnes handicapées en matière d’emploi en offrant des opportunités de travail aux personnes en situation de handicap qui font appel à eux. Des dizaines de personnes sont en effet embauchées à temps plein pour la construction de fauteuils roulants, de chaises ou encore d’impression de magazines locaux, et pour lesquelles elles touchent un salaire mensuel. Une partie du bénéfice des produits conçus est également reversée à l’association pour s’autofinancer.
Ce sont donc des personnes amputées d’un bras ou d’une jambe, en fauteuil, aveugles ou ayant une déficience mentale qui travaillent à temps plein dans les ateliers de l’association.
Aide à l’embauche d’emplois de personnes handicapées, main d’œuvre fidèle et qualifiée, produits de qualité, et des coûts de l’association en grande partie financée …Blind people a tout compris et prouve que le pays à la croissance exponentielle ne le fait pas au détriment de sa société et des plus démunis.
Le Népal : compter sur l’innovation IT et la tendance web pour s’autofinancer à 100%
Classé parmi les 10 pays les plus pauvres dans le monde, le Népal n’a que peu de ressources naturelles, l’accès aux soins est très peu développé et la malnutrition fréquente. Conséquence, un nombre de personnes handicapées élevé, en marge de la société.
Khom Raj Sharma, lui-même déficient visuel, vient d’un village de l’Himalaya où la perte de la vue est synonyme d’incapacité à travailler. Peu importe Khom J – comme il est appelé – veut prouver le contraire et souhaite soutenir l’inclusion des personnes aveugles dans la société népalaise. Il crée l’organisme Inclusion Empowerment Center aussi appelé IEC Népal il y a quelques années afin de montrer que le handicap n’est pas une barrière à l’emploi.
Il est persuadé que les nouvelles technologies et en particulier Internet sont essentiels au développement d’un pays, d’une entreprise mais également à l’inclusion des personnes en situation de handicap, notamment dans le cadre de l’emploi. IEC Népal propose pour cela des formations en informatique et en anglais pour les aider à développer leurs compétences et ainsi, pouvoir postuler à un emploi qualifié.
IEC est une association très active qui cherche à subvenir à ses propres besoins en développant un modèle d’entreprenariat social. Suivant la dynamique IT, Khom J décide de créer un cybercafé dans un quartier excentré de la touristique ville de Pokhara – point de départ des randonnées dans l’Himalaya – en investissant dans des ordinateurs derniers cris ainsi qu’une connexion Internet extrêmement rapide pour le pays, mais également des outils adaptés pour que les personnes déficientes visuelles puissent également utiliser les machines. Ce sont principalement des locaux qui viennent dans ce cyber, plein à craquer chaque jour. Un investissement qui a d’abord été possible grâce à une bourse nationale d’entreprenariat, ainsi qu’avec l’aide d’une ONG allemande Change Fusion. L’aide a été rapidement remboursée et aujourd’hui le cyber café permet d’autofinancer dans sa totalité l’organisme IEC Népal. Les bénéfices dépassent même l’attente et le fondateur a déjà entrepris un nouveau projet : la création de t-shirt en braille. Le modèle de vente est en cours de réalisation mais nul doute que l’idée est là et les fonds suivront !
Bali : utiliser le tourisme à bon escient par la création de bungalows
Aucune surprise, pour la majorité, Bali est synonyme de plages de sable blanc, de rizières interminables et de temples hindoues grandioses. Dans cette petite île indonésienne, la fondation Kupu Kupu a été créée dans le but d’aider les personnes en situation de handicap à acquérir plus d’autonomie et à s’intégrer dans la société balinaise.
Dans ce pays, l’aide publique est inexistante et les aides internationales trop rares. Kupu Kupu a ainsi décidé de s’appuyer sur le développement touristique de l’ile paradisiaque en construisant des bungalows à Ubud au milieu des rizières permettant de loger des touristes le temps de quelques nuits. La situation est idéale, les 3 bungalows sont simples mais défient toute concurrence niveau prix, ce qui attire les touristes les moins aisés et ceux soucieux d’agir pour une bonne cause. L’association propose également tout un panel d’activités aux alentours de la ville, la possibilité de s’immerger dans la culture locale en participant à des cérémonies hindoues et en proposant des locations de scooter à prix abordable. Pour terminer, les personnes handicapées de l’association qui possèdent un talent artistique (et elles sont nombreuses) conçoivent différents objets d’artisanat qui sont ensuite vendus dans une petite boutique dans le centre de la ville.
Tous ces services et produits qui ciblent les touristes étrangers plus « riches » que les locaux permettent de subvenir aux besoins quotidiens de l’association. Une manière de montrer que le tourisme, au-delà de l’apport économique évident, est parfois loin d’avoir un impact négatif sur les sociétés locales.
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