Que celui ou celle qui n’a pas entendu ses parents lui dire, un jour, que la curiosité était un vilain défaut lève le doigt…
Bien nous en a pris, on a désobéi. En continuant à regarder par le trou de la serrure d’abord. Bien sûr. En dévorant livres et journaux. Peut-être. Mais aussi, un peu plus tard (quoique…) en naviguant à plus soif sur le web, grâce à un principe qu’on pensait immuable, le lien cliquable. Car oui, ce fameux lien a fait de nous d’insatiables curieux. On y a passé, des jours et des nuits, à naviguer de lien en lien, de site web en article, d’article en vidéo… nourrissant ainsi notre soif d’apprendre et de comprendre le monde qui est le nôtre, de peaufiner notre technique du macramé, ou de rigoler un bon coup sur les memes les plus cons. Et peu importe finalement si, comme l’affirmait Blaise Pascal –c’est qui d’ailleurs celui-là ? – clic-, « Curiosité n’est que vanité. Le plus souvent, on ne veut savoir que pour en parler». Oui, peu importe, parce que c’est pas donné à tout le monde de pouvoir alimenter la conversation.
Mais voilà. Il se dit que la curiosité serait en danger. Et que c’est ceux-là même qui l’ont alimenté des années durant, les Google, NY Times et consors, qui s’apprêteraient à l’anéantir, à la tuer dans l’œuf. Pour arriver à leurs fins, ils ont révisé leurs browsers, monté des équipes spéciales, organisé des conférences internationales. Tout cela pour perfectionner une arme redoutable à grand coups de big datas : LES NOTIFICATIONS PERSONNALISÉES. Il y voient l’ultime solution pour s’affranchir de l’écosystème fermé de Facebook et de garder leur audience sur le mobile.
Sans en avoir l’air, ils signent là une évolution majeure du web. C’est bel et bien la fin du “surf sur les autoroutes de l’information”. Désormais, au lieu d’ «aller» sur un site, celui-ci nous enverra des notifications personnalisées pour pousser des contenus qui correspondent à notre historique de navigation, à notre localisation, à nos goûts, et ce, aux heures qui nous arrangent. Formidable! s’exclament déjà certains, ravis par la perspective alléchante de ne plus rater un seul article relatif aux Chevaliers paysans de l’an mil au lac de Paladru. Mais, en amplifiant nos tendances naturelles ce glissement risque d’être lourd de conséquences et d’accentuer les inégalités entre ceux qui sauront gérer leurs notifications et les autres : quelqu’un qui s’intéresse à un grand nombre de sujets ou qui est encouragé à le faire en verra de plus en plus. A l’inverse, quelqu’un de peu curieux recevra moins de notifications et verra par conséquent, de moins en moins de choses.
Qu’on se le dise, il y a donc urgence à apprendre aux enfants, dès le plus jeune âge, à devenir curieux, n’en déplaise à ce rabat joie de Blaise Pascal.
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